Les voix discordantes en période pandémique: quelques réflexions

Jean Barbeau, microbiologiste, responsable de la prévention et du contrôle des infections. FMD, Université de Montréal

« Pour chaque hérétique victorieux, il y a des milliers d’Hommes oubliés qui ont voulu combattre les consensus et qui ont échoués (souvent lamentablement, N.D.L.R.). » [Stephen J. Gould. Ever since Darwin]

Sur la question de laisser les voix discordantes s’exprimer (ce sur quoi je suis en accord), il y a toutefois quelques nuances à soupoudrer lorsque des enjeux de santé publique et de sécurité sont en jeu. Toutefois, ces nuances doivent être soumises à un questionnement serré. Et ce questionnement s’articule autour du Principe de Précaution.

Ainsi, dans le cas de la période pandémique en général, et de la vaccination en particulier.

Les trois questions préliminaires à poser (à soi ou aux autres) avant d’entreprendre une action ou de livrer un message qui diverge du consensus scientifique :

  1. Le message risque-t-il d’avoir un impact négatif significatif sur la santé des individus? et, en corollaire:
  2. L’absence de ce message risque-t-elle d’avoir un impact négatif significatif sur la santé des individus?
  3. Le message en question est-il basé sur une certitude? Ici le niveau (et la perception que nous en avons) de certitude est important et une introspection doit se faire : ma certitude est basée sur quoi? Si je suis anti-vaccin ou anti-masque parce que je suis convaincu qu’ils sont dangereux ou, au mieux, ne servent à rien, je dois me poser une autre question : est-il possible que j’aie tort?

Le nerf de la guerre s’enroule autour de cette possibilité, toujours présente, d’être dans l’erreur : cette possibilité s’applique à tout le monde, spécialiste ou non. Comme l’erreur est toujours possible, il faut donc évaluer les niveaux de certitude. C’est là la plus grande difficulté et pour laquelle nous sommes le moins bien outillés.

Je poserais deux niveaux de certitudes : 1) celles basées sur les croyances et 2) celles basées sur les données de la science (qu’elles soient probantes ou non).

  1. Nos croyances ne se basent que sur des perceptions, des désirs ou des préjugés destinés à nous rassurer. Aucune certitude vérifiable par autrui ne peut s’y rattacher.
  2. Une certitude basée sur la science est une autre paire de manche. La science est complexe et les résultats doivent être interprétés avec prudence et nuances. Or, pour que cette prudence et ces nuances s’appliquent il faut avoir les connaissances nécessaires. Même les experts peuvent se tromper et laisser derrière les nuances (un nombre important de rétractations d’articles ou de corrections d’affirmations observé durant cette pandémie en fait foi). Il n’est pas rare dans les congrès scientifiques que des experts se fassent expliquer certains points ou carrément corrigés par leur pairs. Les processus et les données scientifiques sont en constant ajustement et en autocorrection. Des dizaines de milliers de chercheurs surveillent ledit processus à travers le monde sans s’en rendre vraiment compte. Ce processus autocorrectif, imparfait mais rigoureux, à large échelle est ce qui permet d’arriver à des consensus.

Or, les consensus ne sont pas une pensée unique suspecte qu’il faut absolument affaiblir. Ils sont le reflet d’un accord général d’experts dans un domaine et appuyé sur des bases vérifiables et reproductibles. Les consensus peuvent s’effriter avec l’arrivée de nouvelles données ou connaissances. Alternativement, un Galilée ou un Einstein peut surgir et tout flanquer par terre (un phénomène rare). Mais, tant et aussi longtemps qu’un consensus existe, c’est qu’une vaste majorité d’experts s’entendent sur la science et le résultat des expérimentations (et non sur des croyances ou des certitudes individuelles mal assises). Les experts ont tous droit à leur point de vue, mais pas à leurs faits alternatifs.

Les points de vue sont comme les nombrils: tout le monde en a un! [Version soft de Clint Eastwood dans Dirty Harry]

Il y a donc une raison essentielle justifiant de se baser sur des consensus scientifiques lorsqu’une action ou une absence d’action risque de donner un résultat dommageable ou, au pire, catastrophique. Les statistiques montrent que les voix discordantes ne sont pas, en général, couronnées de succès (mais ça arrive). Les consensus doivent donc prévaloir, jusqu’à preuve du contraire. Après tout, pour les vaccins, il s’agit de santé publique et des vies sont en jeu : ce n’est pas de savoir si la longueur moyenne des orteils du québécois moyen a été évaluée avec justesse au fil des ans. Une voix discordante sur cette question aura un impact abyssal.

Ce qui précède nous ramène à un concept : l’HUMILITÉ (combien de fois l’ais-je écrit?). Il faut prendre la pleine conscience que les certitudes, non seulement sont incertaines, parce que soumise à notre appréciation imparfaite, mais que de vouloir les imposer prématurément à l’encontre des consensus et d’une prudence élémentaire est au mieux présomptueux et au pire dangereux.

On pourra m’objecter que l’incertitude flotte donc aussi dans le camp des pro-vaccins. Je ramène l’objection au consensus : sur les vaccins en général, il s’est bâti et consolidé, depuis des décennies, un consensus basé sur la science vérifiée et vérifiable (des milliers de publications en font foi). Les vaccins anti-COVID ne sont pas différents : le consensus s’est bâti presque en temps réel et est, lui aussi vérifiable. Si les détails sur le taux d’efficacité des vaccins et la durée de leur efficacité est un sujet en évolution, leur succès, même imparfait, et leur importance se fondent sur un consensus large, solide et vérifiable.

Le philosophe Bertrand Russell écrivait en 1928 :

« lorsque les spécialistes sont d’accord (consensus) l’avis opposé ne peut être considéré comme certain par le non spécialiste. Celui-ci devrait réserver son jugement. »

Effets à long terme des vaccins: le débat oiseux!

Vous connaissez la blague de l’hypochondriaque qui fait écrire sur son épitaphe, suite à son décès à l’âge de 99 ans : Voyez! Ça a pris 55 ans, mais j’avais raison! »

Un des arguments qui revient le plus fréquemment pour se méfier ou refuser la vaccination, est la crainte des effets à long terme : qu’arrive-t-il dans 5 ans ou 10 ans? Certaines personnes exigent des preuves que rien n’arrivera d’ici (au minimum) une décennie. Ces preuves sont impossibles à fournir et les influenceurs anti-vaccins le savent très bien. Ils se sont ménagés des années de faux débats et de visibilité. À chaque fois qu’arrivera une maladie ou le décès d’un vacciné, ils pourront claironner que « Ah! Qu’est-ce qu’on vous a dit ».

Il est impossible de prouver la négative. J’étire l’élastique, mais personne ne peut prouver que les licornes n’existent pas. On pourra toujours objecter qu’on n’a pas regardé partout ou qu’elles sont trop petites pour être vues. Au mieux on peut affirmer que s’il y en avait, depuis des années et les millions de personnes qui les « cherchent », les probabilités sont que les licornes n’existent pas.

« Donc, vous ne pouvez dire ou prouver qu’il n’arrivera rien dans 5 ans?»

On ne sait pas ce qui arrivera dans 5 ou 10 ans, vaccin ou pas. Personne ne le sait. Plus on s’éloigne de l’injection, plus il devient difficile, puis virtuellement impossible de relier des effets à un vaccin. Vaccin ou pas, il y aura encore des cancers, du diabète, de l’hypertension, des problèmes cardiaques, des maladies auto-immunes etc. Et sur 3 milliards de personnes vaccinées (ou plus), combien développeront naturellement des problèmes de santé d’ici 5 ou 10 ans? Prenez n’importe quelles statistiques et vous aurez une réponse.

Pour des effets qui seraient observables dans une décennie, il faudrait, entre autres, que le vaccin modifie l’ADN, or il ne peut pas le faire (https://www.lesoleil.com/…/verification-faite-le-vaccin…), ce qui a été démontré de multiples fois. Tout tourne autour des vaccins mRNA. Vous ne trouverez pas de publications scientifiques sur les effets sur 10 ans : il n’y en a pas (cette technologie existe depuis plus de 10 ans). On ne publie en général pas sur des effets qui n’existent pas.

On retrouve par contre des données qui indiquent que les effets secondaires des vaccins surviennent en général dans les heures ou les quelques jours suivant le vaccin ou, plus rarement, après quelques semaines. Pas des années. Il n’y a rien là-dessus.

Par contre, on trouve des arguments solides pour affirmer qu’il n’y a à peu près pas de possibilités d’effets à long terme :

https://www.muhealth.org/…/how-do-we-know-covid-19…

https://wexnermedical.osu.edu/…/covid-19-vaccine-long…

https://www.uab.edu/…/12143-three-things-to-know-about…

On m’objecte régulièrement que « si une dizaine de milliers de travailleurs de la santé refusent la vaccination (au Québec), il y a anguille sous roche. Ils savent eux. » Eh bien, il y en a quelques centaines parmi eux sûrement qui fument malgré les risques reconnus, qui sont convaincus que la vitamine D règle tous les problèmes, qu’il suffit de pomper de la fonte ou faire du yoga trois fois par semaine pour prévenir les cancers etc. Cet argument ne prouve qu’une chose : les inquiétudes sont humaines.

Vous trouverez des scientifiques qui rejettent la théorie de l’évolution et des géologues qui sont convaincus que la terre n’a pas plus que 6000 ans d’âge.

Portez-vous bien!