Charge virale et dose infectieuse : variants et anticorps: deuxième volet

Jean Barbeau, microbiologiste, responsable de la prévention du contrôle des infections, Université de Montréal

La lecture critique d’un article spécialisé peut demander plusieurs heures. La tâche s’est complexifiée dans les derniers mois de la pandémie avec l’interconnexion des paramètres. Connaître les vaccins ne suffit plus. Il faut maintenant tenir compte du nombre de doses, de temps entre les doses, du type de vaccin. Il faut savoir si les données sont des mesures en laboratoire ou sur le terrain, des variations entre les pays, des variants, fractionner les cas entre asymptomatiques ou sévères. Il faut connaître le type d’étude modélisation, régression linéaire, prospective etc. Les analyses statistiques sont-elles adéquates? Etc. Ça fait 30 ans que je suis en recherche sur l’immunologie et le contrôles des infections. J’analyse UN article présentement. J’y ai passé 3 heures aujourd’hui et ce n’est pas terminé.

Lors du premier volet nous avons regardé l’impact de la charge virale sur la transmission de la COVID (ou de toute autre infections virale respiratoire).  Nous allons maintenant naviguer sur le terrain des vaccins pour tenter de comprendre pourquoi le nombre de doses est important lorsqu’on a affaire au variant Delta

Que font les anticorps au virus?

Les anticorps que vous produisez avec le vaccin ne « tuent » pas le virus. La fonction première de ces anticorps est de recouvrir la clé qui va déverrouiller le récepteur ACE2 de vos cellules pour faire entrer le virus.  Si le virus ne peut entrer dans vos cellules il n’y aura pas d’infection. Je pourrais lancer des millions de SARS-CoV-2 dans votre nez, si la clé des virus ne marche plus vous serez protégé.  La clé en question c’est la protéine S.  Les vaccins vous présente la clé : vous allez donc produire ce qu’il faut pour qu’elle n’entre plus dans la serrure ACE2 de vos cellules.

Chaque SRAS-CoV-2 a plusieurs dizaines (probablement entre 30 et 40) de clé S, toutes identiques. Pour rendre le virus inopérant, il faut autant que possible inactiver toutes les clés.  Il faudra donc avoir assez d’anticorps pour recouvrir une quarantaine de clé sur chaque virus.  Plus vous aurez de virus (charge virale, dose infectieuse) plus vous aurez besoin d’anticorps.  Idéalement donc, vous voulez recouvrir toutes les clés, mais les vaccins peuvent protéger même s’il reste quelques clés encore actives.  C’est une question qui fait intervenir les probabilités.  Moins le virus aura de clés actives, plus il devra tâtonner pour l’apparier avec la serrure (ACE2). Les probabilités qu’il entre dans une cellule diminuent.  DONC, pour contourner cette baisse de probabilité, il faut que la charge virale augmente.

Les études évaluent à environ 3 X 1012 (mille milliards) anticorps capables d’inactiver les clés S dans chaque millilitre de sang.  C’est énorme!  Mais c’est dans le sang.  Le virus, lui, est sur les muqueuses nasopharyngées ou pulmonaires. La concentration des anticorps y est moins grande.  Une grande quantité des anticorps produits ne pourront donc servir à un moment donné (on peut estimer à 5% la disponibilité des anticorps neutralisants).

Mais d’autres études disent que une molécule d’anticorps (IgG) par 2 ou 4 clés S est suffisant pour inactiver l’entrée d’un virion dans une cellule.

En gros, nous produisons un excès d’anticorps pour tenir en compte la charge virale et le fait que les virus sont très majoritairement sur les muqueuses et non dans le sang.  Par exemple pendant une infection, il y aurait entre 1000 et 100,000 anticorps de disponibles pour chaque clé S d’une charge de 1,000,000 de virus.

Les choses se compliquent. Mais je résume le tout. La force de fixation d’un anticorps à la clé S détermine son efficacité à inactiver le virus.  C’est ce qu’on appelle l’affinité de l’anticorps. La formule mathématique est élégante, mais je vous en fait grâce.

Pourquoi le variant Delta a tant besoin de deux doses pour être inactivé?

Réponse en deux points (entre autres)

  1. Parce que la charge virale du Delta est beaucoup plus grande que pour les autres variants;
  2. Parce que les anticorps produits par les vaccins ont moins d’appétit (d’affinité) pour le variant Delta.

Premier point.

À concentration d’anticorps égale, plus vous augmentez la charge virale, moins il y aura d’anticorps de disponibles pour désactiver les clés qui sont maintenant peut-être 1000 fois plus nombreuses. Toute est dans toute. C’est passablement mathématique et statistique.  Il en restera encore beaucoup, probablement en excès, mais vous venez de voir fondre un peu l’efficacité du vaccin.  Tel que mesuré en laboratoire et sur le terrain.

Deuxième point.

Les variants sont des variants parce qu’ils ont une clé un peu modifiée pour ouvrir la serrure ACE2.  Le vaccin vous a présenté la clé originelle qui elle n’est pas modifiée: votre système immunitaire réagit à la clé originelle.  Les anticorps que vous produisez épouse très bien cette clé (forte affinité) mais face à la clé du variant Delta, l’ajustement est couci couça (l’affinité est plus faible).  Encore une fois, pour contourner la perte d’affinité (d’efficacité) il faudra compenser en augmentant le nombre d’anticorps.  C’est là qu’intervient la deuxième dose.

La deuxième dose fait deux choses très sexy pour tenir compte des variants plus transmissibles comme le Delta.

  1. Elle amplifie (boost) la concentration d’anticorps;
  2. Elle permet d’augmenter l’affinité des anticorps

Nous l’avons vu, pour tenir compte d’un plus grand nombre de clés, il faut augmenter la quantité d’anticorps. Et J’ai un faible pour le deuxième point qu’on appelle la maturation d’affinité.  Elle est d’une grande élégance : votre système immunitaire va rendre les anticorps plus précis face à la protéine S (la clé).  L’affinité clé-serrure va augmenter en conséquence.  Cette belle étape se déroule à votre insu de la première à la deuxième dose.

Prenons l’analogie d’une armée d’archers face à une cible. Si vos archers ont une vision de 20/20 et sont très précis, ils vont atteindre les cibles avec régularité disons 90 fois sur 100 (c’est l’efficacité). C’est le cas de vos anticorps contre la souche originelle.

Mais si vos archers sont tous un peu myopes ils vont peut-être atteindre les cibles 40 fois sur 100. Si vous voulez compenser pour vos archers myopes vous allez soit augmenter le nombre d’archers soit augmenter la fréquence des tirs. Statistiquement, même un archer aveugle touchera la cible une fois de temps en temps. C’est le cas de vos anticorps contre le variant Delta qui présente deux embûches: beaucoup plus de virus et des anticorps moins précis.

Est-ce que des vaccins moins « précis » peuvent avoir une bonne efficacité?

Mine de rien (ou presque), vous avez en main les éléments qui expliquent aussi (en partie) pourquoi des personnes vaccinées peuvent se retrouver avec une infection: c’est peu fréquent et la plupart du temps asymptomatique.

Ici encore nous faisons intervenir la charge virale et les probabilités. En principe, plus la charge virale est élevée plus les risques de sévérité de la COVID augmentent (en principe). Or, les anticorps réduisent la charge virale. Même des anticorps avec une affinité moins grande contribuent à réduire la charge virale. Les archers visent moins bien mais ils font quand même tomber un grand nombre de cibles. La charge virale est réduite, mais il en reste. S’il en reste trop (en plus de tous les autres facteurs de risques) la personne vaccinée peu devenir asymptomatique, s’il en reste encore trop la maladie peut être sévère.

Ce que l’on voit chez les personnes vaccinées deux fois, c’est une réduction notable de la probabilité à propager l’infection, une très bonne protection contre la maladie symptomatique et une excellente protection contre les formes graves. Par exemple (chiffres fictifs), si ça prend entre 5000 et 10,000 virus pour avoir une forme sévère, entre 1000 et 4000 pour des symptômes et moins que 500 pour une infection sans symptômes et sans propagation. Si vos archers myopes font tomber 60% des cibles la réduction vous assurera peut-être de passer à côté de la COVID.

En bref, allez chercher votre deuxième dose.

2 commentaires sur “Charge virale et dose infectieuse : variants et anticorps: deuxième volet

  1. Bonjour votre exemple avec les archers fonctionnent que si la cible reste la même mais avec le cas des variants ce n’est plus le cas c’est d’ailleurs pour cela que les anticorps produits par ces vaccins ne reconnaissent pas la cible et les laisse passer , visiblement ces vaccins créés des anticorps pour reconnaître le virus souche et le problème c’est qu’ils viennent remplacer vos anticorps innée qui eux ont un spectre plus large c’est pour cela qu’il faut absolument stopper cette campagne de vaccination comme l’explique le professeur McCullough et l’expert mondial des vaccins Geert Vanden Bossche voir sa vidéo où il explique tout ceci mieux que moi : https://odysee.com/@Covidbel:5/Geert:7

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