Sur l’argument d’autorité

Note de lecture…

« On peut être très intelligent et très con: il suffit pour s’en convaincre de mettre n’importe quel intellectuel à un poste politique ou encourager tel expert à s’exprimer sur un sujet qu’il ne connait pas. Ce qu’il produira alors sera de la « bullshit »

[Sebastian Dieguez, neuropsychologue]

Je ne dirais pas que le résultat sera toujours de la « bouillie pour les chats » (expression soft de « bullshit ») mais être expert n’est pas un vaccin contre la production d’idées parfois désespérément ineptes.

Il faut se méfier de « l’argument d’autorité« . De nos jours, qui sont tumultueux, il est tentant de magasiner ses experts en fonction de nos idées préfabriquées. Et on trouvera toujours un expert pour nous confirmer que la terre est plate si c’est ce qu’on croit…

Lisez le manuel d’instruction du qPCR!

Des commentateurs sans expérience réelle se promènent de par le vaste monde (virtuel) en lançant, avec une outrageuse confiance, des chiffres, qu’ils comprennent à peine, comme des preuves que les tests PCR surestiment le nombre de cas COVID (ce qui est faux).

Le test PCR détecte la quantité de matériel génétique du virus dans l’échantillon. Imaginez le test PCR COVID comme une série de loupes de grossissement de plus en plus grand. Détecter beaucoup de virus prendra une loupe 10X et moins il y aura de virus plus le grossissement nécessaire sera grand. Remplacez le grossissement par le nombre de cycles nécessaire pour détecter les virus et vous avez une idée du PCR quantitatif. Plus vous avez besoin de cycles d’amplification moins il y a de virus. Bien que l’idée soit simple, son application et son interprétation juste sont une sacrée paire de manche demandant une expertise pointue.

Par exemple, qu’est-ce qu’un faux positif? Simple, me diront ceux qui font des recherches sur Google : c’est quand un test sort positif alors qu’il devrait être négatif!  Et une armée de commentateurs radiophoniques, de physiciens quantiques, d’ingénieurs civiles et de promoteurs immobiliers affirment 1- que le nombre de tests faussement positifs est outrageusement élevé et 2- ceci menant à cela, il n’y a pas de pandémie.

Encore faux!

Et il y a les faux-négatifs (erreur de type II).  Simple aussi? Non, loin de là. Comment le prélèvement a été fait?  Comment le PCR a-t-il été fait? Quel gène a été utilisé pour la détection?

Que ce soit pour les faux-positifs ou les faux-négatifs, il faut considérer l’erreur humaine (la personne qui fait le prélèvement, la personne qui fait le test PCR et la personne qui transcrit le résultat ou qui l’interprète).

Tous les tests ont un certain % de faux positifs : erreur de niveau I.  Mais encore faut-il savoir ce que le test mesure.  C’est là que Google lance les néophytes dans la purée de pois et que les gens ne s’en sortent pas indemnes parce qu’ils lisent les gros titres et s’enfoncent dans les sables mouvants (la purée). Le PCR COVID mesure quoi? Le test en lui-même détecte le nombre de virus.  Le PCR peut être ultrasensible. Les faux-positifs réels sont rares : si le test (bien fait) détecte un peu de virus, c’est que les virus sont arrivés là. Mais le test peut-il prédire si une personne sera malade? Si elle sera contagieuse? Si elle est guérie? C’est beaucoup moins clair.  Le % de faux-positifs pour chacune de ce questions sera différent et plus élevé que celui qui détecte le virus.  Par exemple le test PCR ne peut, à lui seul, prédire si une personne sera malade : environ 80% des personnes infectées ont peu ou pas de symptômes.  Le test a un fort % de faux-positifs sur cette variable.  Mais si le test détecte le virus : on PEUT conclure que la personne testée est « porteur asymptomatique ».  Plusieurs facteurs doivent être analysés : ça prend un contexte clinique et épidémiologique (par exemple qu’elle est la prévalence de la COVID dans la population).

Faire un PCR ce n’est pas comme allumer une imprimante et attendre qu’elle imprime une fable.  Faire un PCR demande de suivre une recette avec des sacrées pincettes.  Un résultat utilisable demande de calibrer l’appareil en fonction des paramètres voulus pour l’appareil dise ce qu’on veut savoir.  Si en voulant imprimer la Cigale et la Fourmi vous vous trompez et vous imprimez Le Corbeau et le Renard et que, ne connaissant pas La Fontaine, vous commencer à parler de fromage (Corbeau et le Renard) dans une Fable qui n’en comporte pas (Cigale et la Fourmi) vous aurez l’air un peu fou (pour ceux qui savent), mais ce sera sans conséquence.  Par contre, si vous faite des PCR sans calibrer l’appareil ou donnez des résultats hors contexte, les conséquences peuvent être désastreuses.

Le nombre de cycles (le grossissement de la loupe) PCR requis pour détecter les virus dans un écouvillon nasal doit être ajusté pour réduire le nombre de faux-Positif et de Faux-négatifs : il est fonction de l’appareil, des gènes ciblés et du laboratoire d’analyse. Mais un test est toujours analysé en fonction de d’autres paramètres : tests sérologiques, données épidémiologiques.  Les tests peuvent donc être répétés en cas de doute.

En gros, il ne suffit pas de mettre l’appareil d’analyse à « ON » : il y a un travail considérable à faire avant, pendant et après.  Et pour ça, mes amis, il faut de l’expertise.

Jean Barbeau, Microbiologiste

P.S. Je dois remercier mon collègue Marc Veillette pour les discussions enrichissantes sur le sujet.